12, 13, 14… le compte est bon, on embarque ! Les festivités peuvent commencer dans le train en direction d’Orange. Ce weekend, nous partons en compagnie de Linh, Nina, Manu, Fabienne, Bruno, Emilie, Léa, Lou, Mathieu, Julien, Alice, Delphine et bien sûr Pauline et Cécile qui organisent cette sortie aux petits oignons.
Les yeux sont encore pleins de sommeil, les esprits un peu embrumés, mais pas question de laisser nos voisins de compartiment se reposer. On va leur faire profiter de nos débats sur les meilleurs spots à aller découvrir, quelques révisions de manips improvisées et bien sûr de nos habituels trafics de permis de conduire pour échanger les conducteurs de voiture sur Getaround.
C’est parti pour 4 jours de grimpe aux Dentelles de Montmirail. Un coin majestueux du Vaucluse connu pour ses randonnées, ses vins d’exception… mais surtout pour ses montagnes calcaires qui viennent découper le bleu du ciel provençal d’Est en Ouest avec leurs “petites dents” ciselées.
La grande question : par quoi va-t-on commencer ? Le rocher Saint Christophe ? Le Cayron ? On commence par de la couenne ou est-ce qu’on a le temps pour une “petite grande voie” ? Les dégaines commencent à frétiller et les projets se construisent : “Tu pars dans quoi toi ?”, “T’as déjà ton passeport grandes voies ?”, “Moi j’aime pas la tête de toutes façons, j’attendrai que quelqu’un pose des moulinettes dans du dur…”.
Minute papillon, avant d’aller poser des moules tous azimuts, il y a d’abord les voitures et les courses à aller récupérer. L’habituel Tetris commence, heureusement tout le monde a pensé à voyager léger …
Ndlr : cacahuètes parfaitement pilées, le mortier aura été la clé de voûte de la recette du succulent poulet carry, merci Mathieu !
Finalement, tout le monde arrive à se trouver une petite place et une fois tout le superflux déposé au gîte, les cordes et les dégaines réparties en binômes improvisés, direction les falaiiises!
En temps normal à la fin octobre, la question ne se pose pas vraiment et on va chercher les faces exposées au soleil. Mais que voulez-vous, y’a plus d’saison et dérèglement climatique oblige, ce premier toucher de rocher se fera dans le secteur du Gigondas Nord. L’avantage des Dentelles c’est aussi que les marches d’approche restent raisonnables, une bonne trentaine de minutes sur un chemin convenable (Ndlr bis : si on reste sur les sentiers battus et qu’on ne passe pas par le pierrier…).
On arrive discrètement sur le secteur, à 7 cordées d’un coup. Heureusement c’est jeudi, et il y a largement de quoi faire dans le 5 voire le 6. Les doigts s’échauffent et les chaussons se font aux pieds (ou l’inverse..). C’est le bonheur des retrouvailles de la grimpe sur calcaire. Ça accroche bien, enfin si ce n’est pas trop patiné… Heureusement, il y a quelques fissures et quelques gouttes d’eau pour se caler ou poser les pieds. “Tiens c’est normal si ça sonne creux là ?!”. C’est le moment où l’on se dit que le ressemelage AVANT la sortie ça aurait peut-être été une bonne idée…
Certaines cordées, comme celle de Linh et Cécile, bien avisées, s’écartent un peu du groupe pour grimper. Direction l'arête Lagarde. “C’est facile mais y’a du gaz” et il faut faire la descente en rappel !
Avec Émilie, on se lance dans une belle couenne de 35m en 5b. Soudain, une cordée inconnue au bataillon nous descend dessus. C’était une petite grande voie en deux longueurs et on partage le même relai ! Les regards se toisent avec l’arrivant céleste. “J’y vais ?”, “T’y vas ?”, “Tu descends ?”, “Je remonte ?”, “Ah non, tu redescends aussi ?”, “Pourquoi, tu veux monter ?”. La négo est sans dessus dessous mais après quelques ascenseurs émotionnels on fini par s’entendre et tout le monde redonne du sens à sa voie.
Finalement, le soleil ne nous donne que peu de répit et si on ne veut pas finir à la frontale, on doit malheureusement s’arrêter là. Surtout que la journée n’est pas terminée, il faut encore rentrer au gîte, prendre une bonne douche et pour Fabienne et ses commis de cuisine, commencer à préparer les calamars (ou tofu, ou sans rien) à la provençale (mais avec pas trop d’oignons et sans piment) et pour Linh le crumble (mais sans gluten). Tout le monde s’y retrouve et est d’attaque pour le grand jeu du soir : le shotgun de dortoir ! (Ronflera, ronflera pas… ?).
C’est le GRAND jour des GRANDES voies ! (On avait pas dit qu’on faisait que de la couenne cette année ?!). Linh part sur Petite Émeline, une grande voie façon course d'arête en 5b/c max avec Pauline, Fabienne et Emilie. Elles en prennent plein la vue et en profitent des ouvertures caractéristiques dans le mur calcaire pour faire de la grimpe sur coudes…
Nina, Julien, Manu et Delph se lancent dans une autre grande voie : la traversée des Floret, en 9 longueurs, 5c max. Une très belle traversée sur toute la crète qui comporte notamment 6 rappels (ou 5 pour ceux qui n’ont pas trop froid aux yeux !). De quoi apprendre à optimiser les rappels sur corde simple mais aussi perfectionner ses techniques de dé-escalade durant lesquelles le second fait mieux de bien s’entendre avec son compagnon de cordée à l’avance pour éviter de s'égosiller à coup de “Ravale pas ! Tire pas !!”. Notons également que la corde à simple de 80 m à ravaler aura constitué le plus grand challenge sportif de ce périple.
Une fois les grandes voies terminées, il reste de quoi se challenger en couenne, sur le secteur des Pieds Nickelés. C’est en cette après-midi du 2e jour que notre groupe de fiers grimpeurs a eu l’occasion de faire de nouvelles trouvailles techniques et linguistiques.
Émilie nous a notamment régalé en clipant vaillamment le relai d’une 6a+ en « mouli-tête ».
Pour cette cascade de haute volée, vous aurez besoin :
Aussi très en vogue ce jour-là sur ce secteur : le terme « flashmoulé ». Si nos experts linguistiques sur place s’accordent à dire que cette expression désigne un succès à rejoindre le haut de la paroi, il n’y a pour le moment pas de consensus de la part de la communauté grimpastique quant à la méthode employée pour le faire…
Samedi matin, l'ambiance était à la fête dans le secteur Marilyn. Pas beaucoup de vent sur les Jupons, la grimpe en t-shirt était de mise. Ce n'est pas une, ni deux mais bien trois cordées qui se retrouvent en haut de la mini grande voie éponyme La Marilyn en 2 longueurs. C'est l'occasion de former Lou qui a donc 5 donneurs de leçons à la fois, histoire de rendre les choses bien claires avant de se lancer pour son premier rappel. Il faut dire que le spot à de quoi attirer les foules. La vue est imprenable, ça donne envie de se désencorder, d’aller voir les autres grimper du dessus, de boire un petit thé…
Attendez, une 4e cordée débarque ! Les visages ne sont pas ceux de FLM. Il s’agit de confrères germaniques qui viennent profiter de la quiétude provençale, retrouver le calme des falaises, écouter les oiseaux chanter. Raté pour cette fois, ça piaille comme jamais au sommet. Il ne reste plus pour eux qu’à prendre leur mal en patience : ils attendront 40 bonnes minutes que notre joyeuse cacophonie descende de son perchoir.
Dans le secteur du Clapis, Manu, Émilie, Pauline et Bruno se lancent à leur tour dans une grande voie, la Vistemboir (décidemment ça fait beaucoup de grandes voies, pour une sortie “couenne”!).
Sur le papier ça à l’air simple : 5 longueurs en 5c max, de la dalle, du dièdre, et ça fini par deux rappels. Sauf que depuis l’édition du topo, plein de petites sœurs ont été ouvertes et on n’y comprend plus rien au trajet !
Pour ne rien arranger au schmilblick, il y a un autre Bruno dans la voie d’à côté, lui aussi un peu désorienté par les spits et les goujons par dizaines. Les indications bien intentionnées mais mal adressées des seconds s’entrecroisent. “Quoi ? Pied gauche sur le dièdre ? Mais je suis sur une dalle !” “Pas pour toi, pour l’autre Bruno !”, “C’est moi l’autre Bruno ?!”.
OUF, tout le monde finit par arriver au sommet, l’histoire ne dira pas s’il s’agissait du bon… Il faudra cependant encore un peu de patience et de jardinage pour réussir à descendre les deux longueurs d’un rappel bien capricieux ou les machards auront été utiles !
Pour conclure en beauté cette journée forte en émotion, l'après-midi c'était la Grande Fête de la Moule au secteur Hadamard Nord. Cécile, très en forme, en pose une dans un 6a+ (bien corsé) et tout le monde se lance à l’attaque de ce style très “Dülfer” qui tire dans les bras ! Le public en délire en bas des voies commente les techniques de grimpe à base de “monte tes pieds !”.
Le 4e jour, la fatigue se fait sentir. Certains sont quand même encore d’attaque comme Cécile et Julien qui se lancent dans le Dièdre de Provence en deux longueurs 5c – 6a.
Pour les autres, c’est surtout pause pique-nique, histoire de profiter des derniers rayons du soleil.
Ah si ! Il y a une dernière opportunité pour faire de belles photos sans trop d’efforts ! L’arête Lagarde en 5b. Tout le monde y passe. La voie est directement visible depuis le sentier de randonnée. Tous les marcheurs marquent l’arrêt et y vont de leur commentaire, encouragement ou exclamation. Le public en folie se chauffe, et lance des “Ohhh !” et des “Ahh !” à chaque clipage de dégaine et à chaque lancé de corde de rappel : de quoi se prendre pour Alex Honnold ou Julia Charnourdie le temps d’une après-midi !
Merci à Pauline et Cécile pour l’organisation d’une main de maître !
Texte : Delphine
Grimpeurs : Pauline, Cécile, Linh, Nina, Manu, Fabienne, Bruno, Emilie, Léa, Lou, Mathieu, Julien, Alice et Delphine